Guinée : la peur des coupeurs de route

Article : Guinée : la peur des coupeurs de route
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17 juillet 2022

Guinée : la peur des coupeurs de route

En Guinée, le problème des coupeurs de route est un phénomène endémique, il apparait très souvent à des moments précis de l’année, comme par exemple à l’approche des fêtes musulmanes de l’Eid El Fitr marquant la fin du ramadan ou de l’Eid El Kebir, mais aussi en période de fin d’année. Je vous raconte là mon voyage de N’Zérékoré au sud du pays vers Labé au nord.

Réveil, 6 h du matin, toilettes et direction la gare routière, ici, on est accueilli par « grand c’est Conakry? Grand, il reste une place pour Labé, grand le minibus là est rempli,… » chaque chauffeur ou autre chômeur de la gare (qu’on appelle ici cocceur) drague le passager. Je me rends au bureau des transporteurs où j’achète mon billet vers 7 heures.

Le billet acquis, je me rapproche du véhicule avec ma petite valise que je mets à disposition du chauffeur. S’en suivra environ trois heures d’attente durant lesquelles, les autres passagers du véhicule arrivent. Chauffeurs et acolytes discutent les prix des bagages, un petit sac se négocie entre 10 000 GNF et 20 000 GNF (1,2€ – 2.5 €) et les bagages sont attachés sur le toit du véhicule.

9h 45, c’est l’heure du départ, je me mets à ma place, derrière le chauffeur sur une Renault 21, trois autres personnes montent sur la même banquette dont deux nourrices, les portes refusent de se fermer, on ne peut pas contenir, je suis donc obligé de changer de place avec un autre de devant qui est moins corpulent, et top c’est le départ un peu avant 10h.

Dès le départ, des discussions s’engagent : une passagère venant de la Côte d’Ivoire, rappelle que lors de sa dernière venue au pays, on ne pouvait pas rouler de nuit à cause des coupeurs de route. Le chauffeur confirme que cela est toujours d’actualité, « la semaine dernière, en une seule nuit, cinq véhicules ont été attaqués par des bandits entre Faranah et Mamou » conclut le chauffeur. L’inquiétude monte chez les passagers, alors que le chauffeur lui, avait déjà l’esprit préparé. Chacun se met à calculer l’heure à laquelle on arrivera à telle ou telle ville.

Racket des forces de l’ordre

Dès la sortie de Nzérékoré, on rencontre la première unité de gendarmerie. Ces unités de gendarmerie mobile sont déployées, selon les autorités, pour lutter contre les bandits de grands chemins. Leur objectif est donc de sécuriser les usagers de la route, « renforcer la sécurité des usagers mais aussi et surtout minimiser les infractions génératrices d’accident de la circulation » indiquait le ministère de la sécurité en octobre 2021, lors du déploiement de ces unités.

Cette unité de gendarmerie est stationnée pile à l’endroit d’un dos d’âne où le chauffeur est obligé de ralentir. L’agent siffle, le chauffeur s’arrête et lui remet un billet de 10. 000 GNF. Et c’est comme ça à l’entrée et à la sortie de toutes les grandes villes traversées ! Curieux, je demande au chauffeur : cet argent c’est pour quoi ? « C’est toujours comme ça, si tu ne donnes pas, ils prennent ton numéro d’immatriculation pour t’arrêter et te fatiguer à ton prochain passage » répond-t-il.

Les gendarmes qui sont donc censés protéger les usagers de la route et lutter contre les infractions génératrices d’accidents, se transforment en racketteurs et tous les chauffeurs ont fini par l’accepter et s’y habituer.

La mauvaise réputation de Mamou et de ses environs

« Tous les Guinéens connaissent la route nationale 1 pour y avoir passer des heures interminables entassés dans les taxi-brousses ou même sur le toit » disait l’autre, mais tous les guinéens connaissent aussi qu’il n’est pas prudent de rouler de nuit sur certains tronçons.

19h à Faranah, le chauffeur accélère, il veut coûte que coûte arriver à Marela avant la grande nuit. 21h, arrivée à Marela et donc pari réussi. Le chauffeur se gare là et dit d’attendre ses amis, les autres chauffeurs, pour rouler en convoi parce que selon lui, « d’ici à Mamou, les coupeurs de route attaquent trop, donc on va attendre les deux autres qui vont à Labé ».

Quelques minutes après, ils arrivent et c’est le départ du convoi de quatre véhicules vers Mamou. Dans le véhicule, tout est calme, l’heure tourne, 22h, 23h, nous rencontrons de rares véhicules et motos. Chaque croisement est une source d’inquiétude, les coupeurs de route ont l’habitude d’utiliser des motos pour braquer, donc à chaque fois qu’on aperçoit une moto, devant ou derrière c’est l’inquiétude jusqu’à ce qu’elle passe.

Ainsi se maintien la mauvaise réputation de Mamou, que ce soit sur le tronçon Mamou – Faranah, Mamou – Kindia ou Mamou – Dalaba et Mamou – Dabola : Les attaques sont fréquentes. Heureusement pour cette fois, nous arriverons à Mamou et même à Labé sans ce problème que nous craignions tant !

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